Démarche inclusive

Dol de Bretagne, janvier 2018
Nous rédigeons les paragraphes en qualité de futur·e·s voisin·e·s du projet d’habitat participatif Habitat Dol (nom provisoire). Ces paragraphes se veulent contribution au débat en cours au sein du réseau Habitat Participatif Ouest : "l’habitat participatif est-il élitiste ?".
Cette contribution nous donne l’opportunité de formaliser par écrit plusieurs positionnements et choix stratégiques de notre groupe-projet, positionnements étant restés informels jusqu’alors.
Ce que nous présentons là n’est pas une tentative de survaloriser notre montage d’opération par rapport à d’autres, mais de mettre en évidence la posture de notre groupe qui l’a conduit à hiérarchiser les enjeux du juridiques d’une manière particulière, délaissant des approches économico-juridiques alternatives. Le choix de notre partenariat avec un organisme HLM, les modalités de ce partenariat, ainsi que le montage en copropriété vers lequel nous cheminons après emménagement ne témoignent pas d’impensés, mais d’une conséquence de notre posture.


La considération de certaines fragilités évoquée dès nos premières réflexions


La relecture de notre document « projet collectif de voisinage », écrit entre 2014 et 2016, nous permet de retracer l’évolution de nos intentions.
Un objectif de mixité générationnelle a tout d’abord été posée dès nos premiers pas en 2013. « C’est à travers les expériences de chacun·e (relation au voisinage vieillissant, à nos grands-parents...) que la question de mélanger, au sein du projet, des personnes de tous âges est née. Pour nous, cette mixité est riche d’échanges. Elle permet, pour les plus âgé·e·s d'entre nous, d'éviter l’isolement, d'être rassurés par un entourage bienveillant. Elle est ensuite propice aux échanges de services, au système d’entraide et reconnaît une place à chacun·e (garde d’enfants, échanges de savoirs et savoir-faire, courses, covoiturage...). Elle contribue enfin à (re)construire, à l'échelle de quelques logements, un fonctionnement social « organique », d'interdépendance, ne clivant plus les populations dans les territoires, laissant à chacun·e le soin de s'en sortir seul·e. »

En 2014, nous avons ensuite exploré l’opportunité de coupler notre projet d’habitat participatif à un foyer de l’Adapei (pour personnes avec un handicap mental léger, mais autonomes dans leur quotidien). Même si ce partenariat n’a pu aboutir, l’envisager nous a permis d’identifier un intérêt, au sein du groupe, pour nous « ouvrir » à des publics qui ne viendraient à priori pas d’eux même dans un projet d’habitat participatif. Nous avons dès lors commencé à parler de diversité, plutôt que de mixité. Tout en reconnaissant que cette diversité devait être appréhendée avec précaution, afin de maintenir les conditions de faisabilité des futures dynamiques collectives de voisinage.
En 2015, en s’engageant dans le projet, Rémi nous propose de nous saisir d’une nouvelle problématique : celle de la mobilité physique. Rémi se déplace en fauteuil. Il rêve d'habiter en étage (mais habitera au rez-de-chaussée). Rendre possible la visite de tou·te·s chez tou·te·s devient un des objectifs prioritaires du projet, en imaginant faciliter la circulation sur l’ensemble du site pour les fauteuils, les poussettes, les personnes âgées ou skieurs revenant de vacances avec une jambe dans le plâtre.
Plus après, le vocable a encore évolué. Notre souhait de vigilance envers diverses formes de fragilité s’est étendu. Nous parlons désormais d’approche inclusive, approche qui devrait nous guider jusqu'aux prochains choix d’aménagements et de fonctionnement de nos espaces communs.

« L’inclusion sociale consiste à faire en sorte que tous les enfants et adultes aient les moyens de participer, de manière égale, en tant que membres valorisés, respectés et contribuant à leur communauté et à la société. "

« Ce sont les outils et l'environnement qui s'adaptent aux besoins spécifiques et non l'inverse ! »


Les différentes formes d’accessibilité sur lesquelles nous travaillons


L’accessibilité physique

Nous avons, dès le travail sur le plan masse, choisi la connexion de tous les logements à des circulations horizontales (réseau de coursives) et à une circulation verticale (ascenseur). Et ce, malgré l’avertissement des surcoûts que généreraient ces équipements (impactant notamment la capacité à financer une qualité écologique du bâtiment).
image coursives2.jpg (1.2MB)
Vue coursives- Juin 2023

L’accessibilité technique

Le choix d’un partenariat avec un organisme HLM, régi par une simple convention partenariale (reposant donc essentiellement sur la confiance) a été mûrement réfléchi. Il a provoqué le départ de foyers qui privilégiaient des montages plus alternatifs. Mais la simplification technique de la maîtrise d’ouvrage a finalement été privilégiée. Par la mobilisation d’aides institutionnelles (locatif social, accession aidée, avec ou sans apport) des solutions ont été apportées pour tous les budgets du groupe initial. Ensuite, nous étions convaincus qu’un portage par un organisme HLM rassurerait certaines personnes, engagées ou à venir. Elle nous a dégagé d’une masse de travail technique. A énergie et disponibilités contingentées, notre faible engagement dans les dimensions technico-financières de la maîtrise d’ouvrage ne témoigne pas d’un manque d’intérêt pour les approches d’autopromotion, mais de priorités différentes. Nous avons pu privilégier, comme nous le souhaitions, un travail sur le projet de voisinage, l’accueil, l’attention aux nouveaux et nouvelles arrivantes et la prise en charge de certaines formes de vulnérabilité, ou nous y préparer.


L’accessibilité culturelle

En juillet 2016, lors d’un document exploratoire des montages juridiques (notamment en phase d’usage), les faisabilités des montages en coopérative d’habitant et en Office Foncier solidaire ont été évaluées, avant d’être exclues.
  • • La coopérative n’était pas réalisable : sur 23 logements, 13 PSLA, 8 locatifs et seulement deux logements en accession libre – une grande majorité de foyers avec peu ou pas d’apports; nous sommes majoritairement un projet de logements aidés.
  • • Juridiquement, l’OFS (dissociation du foncier et du bâti) n’était pas encore opérationnel
  • • Parallèlement, nous avions pointé que de tels montages exigent une forte conscience politique… sans doute en contradiction avec nos objectifs de mixité / diversité culturelle dans le projet. C’est encore une fois un histoire de hiérarchisation des priorités.

Notre montage juridique une fois installé, si tout se passe bien, devrait être simple à comprendre, en dissociant la logique de copropriété (les logements) des espaces communs (propriété collective). Et en dissociant même le patrimoine des espaces communs, de leurs usages. Les mécanismes financiers permettront une forme d’égalité de contributions aux investissements sur les communs sur le long terme. La propriété de ces espaces communs sera collective.

L’accessibilité temporelle

L’un d’entre nous posait ceci au cours d’une de nos réunions : « Il ne faut pas que les gens pensent qu’ils doivent mériter l’habitat participatif ». Donner à croire que l’habitat participatif n’est accessible qu’à l’issue d’un long parcours du combattant, au cours duquel chacun·e doit faire les preuves de son engagement, ne nous convenait pas. C’est délibérément, en collaboration avec Emeraude habitation, que nous avons choisi de laisser plusieurs logements vacants (de différentes tailles) et six logements locatifs dont l’attribution se fera à la livraison (avec une présentation du projet de voisinage aux candidat·e·s). Ceci, afin de toucher des publics différents de ceux évoluant dans les réseaux, capables de s’engager et de se projeter plusieurs années avant d’emménager, sans connaître au départ les formes, coûts et localisation du futur projet immobilier.

Accessibilité et autonomie

Il y aurait encore beaucoup à dire, car la notion d’accessibilité va de pair avec celle d’autonomie : il s’agit d’accéder à tout sans que ce soit conditionné par l’intervention d’un tiers. Ainsi, le choix d’un habitat participatif en ville (Dol est une petite ville, si si!) permet, pour une personne dépendante dans sa mobilité, un accès aux services et à l’espace urbain sans être tributaire du service rendu par un tiers pour nous véhiculer. Cette notion d’accessibilité s’oppose même parfois à celle de solidarité mais l’installation de la dépendance passe bien souvent par des choses minuscules qui n'ont pas été bien pensées. Rendre possible les activités des personnes "dépendantes" en se passant des autres permet aussi de mieux pouvoir aller vers ces autres, quand on le souhaite et simplement par plaisir.

Whatever ! (quoi qu’il en soit)


Voici ainsi formulé le "background" du projet Habitat Dol qui en a orienté les choix stratégiques majeurs. Nous avons donc priorisé la prise en considération de ces différentes formes d’accessibilité, sur les apprentissages des métiers de la construction et la complète maîtrise du projet immobilier (permise par des montages de co-maîtrise d’ouvrage ou d’auto-promotion).
Plus que jamais, nous pensons que de tels choix (quels qu’ils soient au final), qui sont d’ordre philosophiques ou politiques, sont un pré-requis aux choix de montages juridiques et partenariaux. Nous considérons dès lors que la "simplicité" de nos montages est, dans notre cas, un choix politique.
Enfin, une fois dans les murs, et pour permettre le collectif et le solidaire dans le voisinage, nous comptons moins sur les statuts que sur notre capacité à construire des outils de fonctionnement collectifs, de représentations, de travail des idées et d’échanges internes et avec d’autres groupes projets.
C’est en cela que nous nous projetons assez volontiers dans des rencontres inter-groupes au sein des réseaux, afin de partager les expériences des uns, des unes et des autres sur ces sujets. Au plaisir de nous y (re)croiser.